On parle de méziguette
Les Flottants sont de leur temps. Et à contretemps. Ils ne peuvent que se dessiner. Pour ne pas couler. Les flottants.
Loin des horloges qui donnent leurre, Isabelle Raquin et son complice Daniel Kenigsberg déploient leur cadran lunaire… où de facétieux pierrots enchaînent adages et cabrioles, se plaisant à jouer au plus malin avec le temps qui passe. De joyeux drilles nous invitent à rejoindre leur carnaval, leur ronde de gambades déliées, leur débauche d’aimables pitreries. Pourtant, derrière le masque d’insouciance et de gouaille, derrière les sourires complices, il s’avère que ces espiègles funambules trimballent nos frousses, notre angoisse. Leurs acrobaties légères disent la lourdeur qui nous empâte. Elles sont terribles, impitoyables, les heures qui nous entraînent et nous affolent dans ce monde à perdre la boussole, les aiguilles qui nous tenaillent et nous broient entre les mâchoires de leur étau… Et c’est tout le charme d’Isabelle et Daniel d’employer leur humour et leur tendresse à nous décadenasser de nos chaînes, à dénicher les chemins de traverse où se faire la belle loin de nos impasses et de nos geôles. Merci à notre petit lutin de la toile, notre feu-follet de terres très intimes, notre petit rat d’un opéra très secret, merci de nous jeter avec tant de grâce la poudre aux yeux - une poudre d’or à nos yeux éblouis.
Henri Zalamansky